Troupe de douze à seize membres, Kardes Turkuler (Chants fraternels) bouleverse le paysage musical turc, jusque-là divisé entre Orient mythique et Occident moderne. Le leader du groupe témoigne sur les débuts de la formation il y a plus de vingt ans : "Les ensembles musicaux étaient ennuyeux, alors que notre société voyait d'un côté monter l'intolérance et, de l'autre, découvrait les anciennes républiques turques avec la fin de l'URSS. On a décidé de bousculer les préjugés pour renforcer l'image d'une Turquie cosmopolite." Les jeunes étudiants qui démarrent le groupe vont écumer souks, bibliothèques et tiroirs familiaux afin d'y dénicher tous ces précieux 78 tours de chants laz de la mer Noire, de Macédoine, d'Alévite, d'Arménie, de Grèce... Ainsi, depuis 1993, ces enfants de la classe moyenne fouillent les archives pour exhumer tout ce que la "nation" recèle de répertoire ethnique, effacé de la mémoire collective depuis l'arrivée au pouvoir d'Ataturk il y a 80 ans, et l'adapter au goût du jour.